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CONTES DE L'HOMME-CAUCHEMAR

Volume 1

SYLVAIN LAMUR

Mots et légendes - 11 avril 2015

De temps en temps, malgré le boulot, les obligations personnelles et, soyons francs, l'écriture, il m'arrive de terminer un bouquin pris plus ou moins au hasard dans mes piles en retard, lesquelles constituent désormais une forteresse avec trois donjons, deux sorties latérales, un contrefort en étoile et une douve (dans laquelle je crois avoir aperçu un aileron la semaine dernière). Cette semaine, ce furent les Contes de l'homme-cauchemar de Sylvain Lamur (chez Otherlands), qui nous avait déjà expliqué de façon convaincante Le sens de la vie chez House Made of Dawn. Je fréquente depuis longtemps la petite édition hors circuit désormais, et je sais qu'on y trouve de temps en temps des perles qui n'ont rien à envier aux meilleurs livres des maisons d'édition traditionnelle : je place la découverte d'Anthony Boulanger (ah non de non, ce Serpentaire !) au même niveau que celle de Justine Niogret (ah non de non, cet Aspic !), celle du vent glacial de Nicolas Villain au même niveau que celle du Niourk de Wul... Bref, riches sont les terres de la SFFF, et on y trouve de grands conteurs sous tous les déguisements (même dans l'auto-édition, d'ailleurs : vous avez tous lu La tentation , j'espère ?)

Aujourd'hui, Sylvain Lamur, donc, avec ces contes à la Marcel Aymé : des personnages qui ne semblent rien avoir de spécial, parfois même fadasses (encore que leur stoïcisme soit souvent des plus inattendu), des mondes banals de tous les jours, votre appartement tout ce qu'il y a de classique... seulement voilà, il y a soudain du biscornu, du bizarre, de l'étrange poétique ou inquiétant, dans des proportions variées qui vont du simple inattendu aux plus vertigineux premiers contacts intergalactiques – premiers contacts qui se font d'ailleurs par l'intermédiaire de cartes postales (« Ta mémé qui t'embrasse », signent les ambassadeurs d'une lointaine planète) ou de matchs d'un sport incompréhensible dont il faudra bien faire attention aux canines du ballon.
Il y a parfois des sujets graves, pas toujours, mais toujours cette écriture aérée, claire, personnelle, pleine de fines notations psychologiques (telle femme à la personnalité flamboyante parvient à faire passer ses copines pour des étrangères, nous dit-on, alors que c'est elle qui vient d'arriver) et dont le ton est authentiquement personnel.
Et pourtant Sylvain, s'il a trouvé une voix personnelle, sait s'adapter à son sujet, puisqu'il ne nous parle pas de la guitare basse d'un musicien qui redéfinit le concept d'intermittent de la même façon qu'il fait parler une vieille Noire du Sud (pas ma nouvelle préférée, mais tellement juste dans le ton que j'en suis resté pantois). Les sujets sont extrêmement variés, et rarement déjà vus.

Et tout ça est extrêmement frais dans la SFFF contemporaine : ce n'est ni du fantastique à la mode, qu'il soit pour adolescentes ou underground, ni l'horreur glauque qui cherche par écrit le choc du torture porn cinématographique, ni la course désespérée derrière le twist inédit : c'est fin, simple d'apparence et pourtant élégant, sans afféteries et pourtant intelligent, en demi-teintes, un peu mélancolique, d'une imagination inépuisable.
Lisez-le, sérieusement ! Et, comme diraient les plénipotentiaires extraterrestres, « je t'appelle dès mon retour de vacances. »

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