SANG POUR CENT
DOMINIQUE COMBAUD
Poljack - 26 octobre 2018
Généralement, les ouvrages que je reçois font un séjour plus ou moins prolongé dans ma « pile à lire », avant d’arriver sur ma table de dissection… Et bien souvent, à cause de cette attente, je ne sais plus vraiment à quel genre il se rattache lorsque j’ai l’objet sous les yeux. S’il s’agit d’un livre papier, il me suffit de me référer à la 4e de couverture, mais pour les livres numériques, cela ne saute pas tout de suite aux yeux…
Avec ce titre, Sang pour cent, j’ai évidemment imaginé que j’ouvrais un roman policier ou un thriller… Double erreur ! D’abord, ce n’est pas un roman, mais un recueil de nouvelles ; ensuite, l’univers de ces quelques textes est très éloigné du celui du polar ou du roman à suspense. Le résumé reproduit ci-dessus laisse d’ailleurs entendre qu’on est plutôt dans le domaine du fantastique, mais s’arrêter à cette seule image serait réducteur et pourrait faire fuir les réfractaires au fantastique, ou crier « à l’escroquerie » les inconditionnels du genre. En effet, les historiettes de Dominique Combaud sont (pour la plupart) bien ancrées dans la réalité… jusqu’à ce qu’un léger décalage vienne courber l’horizon, déformer la vision du monde comme la chaleur irradiant du sol floute le paysage d’un été torride.
Ces nouvelles ne nous entraînent donc pas un voyage vers des mondes fantastiques, mais vers un univers parallèle, très semblable au nôtre s’il n’y avait cette incursion de l’étrange qui change la perspective.
Bien sûr, chacun trouvera l’une ou l’autre de ces histoires « un peu moins bonne », selon son humeur du moment, aura sa préférence pour telle autre… C’est également vrai pour moi, et c’est pourquoi je ne détaillerai pas les titres un par un. D’abord, ce serait fastidieux et mon poil dans la main me souffle d’aller profiter du beau temps plutôt que d’essayer de bronzer à la lumière bleue d’un écran ; ensuite, mes goûts ne sont pas forcément les mêmes que ceux de mon voisin et je ne suis pas d’humeur à polémiquer ! Je me contenterai donc de vous parler de mon impression générale à propos de cet ouvrage…
Certes, je n’ai pas crié au génie, durant cette lecture : l’écriture est au fond d’un classicisme sans surprise et les récits, bien qu’assez inventifs, ne provoquent pas l’émerveillement de l’inconnu. Même si les histoires sont nouvelles, les ingrédients qui les composent nous semblent déjà familiers. Mais le plaisir vient d’ailleurs. D’abord, de l’excellente finition qui attire immédiatement l’attention. On sent tout de suite la qualité, comme en présence d’un objet façonné par un artisan consciencieux et amoureux de son travail. Ensuite, on perçoit les détails soigneusement ciselés, la précision du geste et la finesse de l’esprit qui le dirige.
Je l’ai dit plus haut, certaines nouvelles m’ont semblé moins réussies, soit à cause d’une chute un peu floue, soit parce que c’est l’intention de l’auteur qui manquait de netteté, mais Dominique Combaud possède un style élégant, tout en finesse, et rien que pour ça, son recueil mérite le détour. Quant à ses récits teintés d’humour, ils jouent avec notre perception du monde, et c’est ce qui leur donne tout leur sel. Bien sûr, il n’est pas le premier auteur à se promener sur cette frontière, mais il le fait avec grâce et intelligence, et le résultat apporte un vrai plaisir de lecture. Et je suis prêt à parier que même le grand Edgar ne l’aurait pas renié…
Les mille et une pages de LM - 21 septembre 2018
Le commentaire de Cathy :
Les nouvelles, Sang pour cent, le microscope du grand, Millésime 95, Micro...Coupure et la gitane font partie des nouvelles que j'ai particulièrement aimées en lisant ce recueil de nouvelles. J'ai vraiment passé un très bon moment de lecture, l'auteur a un style auquel j'ai de suite adhéré, il a su créer plein d'univers différents que j'ai adoré découvrir au fil des pages. Certaines nouvelles que j'ai découvertes mériteraient d'être rallongé pour en faire un roman pour notre plus grand plaisir. Merci Dominique Combaud pour le moment de lecture que vous m'avez fait passer
Le commentaire de Martine :
C’est le premier tome du nouveau recueil de nouvelles fantastiques publié chez les Éditions Otherlands, Dominique Combaud s’est donné un défi à composer des nouvelles, de courtes histoires qui se révèlent chacune unique et spéciale et qui vont combler les amateurs de la science-fiction et du fantastique.
La seule ligne de conduite qui relie toutes ces nouvelles est la distance avec la réalité, nous nous retrouvons dans des histoires chimériques qui ont certains liens avec le réel. Je pense que le personnage se situe à différents moments de sa vie, avec différentes embûches, difficultés dans sa vie, dans son travail, dans ses relations. Certaines nouvelles ont un caractère angoissant, d’horreur et de frayeur comme j’aime bien retrouver dans mes lectures, c’est un élément qui m’a vraiment plu.
Dominique Combaud a une plume colorée et très imaginative. Il a bien réussi son recueil de nouvelles qui pour ma part, à une bonne continuité d’événements vécus avec un certain réaliste, mais plus souvent assez imaginaire. Cette lecture de presse est une belle et étonnante lecture, avec une nouvelle découverte d’auteur inconnu pour moi. Je vous la conseille et surtout à vous, amateurs de fantastique.
Des encres sur le papier - 13 septembre 2018
Avec "Sang pour cent", Dominique Combaud nous offre des nouvelles très prenantes, jonglant entre fantastique, horreur... Certaines d'entres elles sont réalistes, et pourrait très bien arriver, bien que cela soit très extrêmes. Je pense notamment à "La bombe" et "Micro...coupures". D'autres histoires sont très originales, comme "Le microscope du Grand", "Poker" ou encore la tête à Toto". J'ai beaucoup aimé l'ambiance que renfermait ce recueil, ambiance que j'ai déjà ressenti dans les autres recueils (surtout "The complete tales from the Otherlands" de Tim Corey), comme si un fil conducteur traversait les pages et les diverses œuvres de Otherlands. Les auteurs semblent guidés par la même plume, ce qui s'avère extrêmement efficace !
Monde fantasy - 20 décembre 2016
Comme il s'agit ici d'un recueil de nouvelles, je ne vais pas vous rendre mon avis de la même manière que d'habitude, mais, plutôt vous donner mon ressenti général. En outre, j'ai lu ce recueil durant le weekend à 1000 et je n'ai donc pas pris la peine de faire un compte-rendu dans mon journal de lecture après chaque nouvelle.
Certaines nouvelles de ce recueil m'ont véritablement mises mal à l'aise. La plupart délicieusement — parce que quand on lit ce genre d'histoire, ce n'est pas pour y croiser des bisounours — mais une en particulier m'a vraiment posé problème (Micro-coupure) pour son côté "ambiance cruelle et malsaine qu'on fait durer trop longtemps".
Hormis ce détail, j'ai bien aimé de me retrouver dans ces histoires qui oscillent entre rêve et réalité. Elles sont intéressantes et j'ai bien aimé la plupart des chutes dont certaines m'ont faites rire.
En revanche, j'ai trouvé que les personnages principaux étaient souvent comparables — des hommes que j'ai toujours imaginé dans des tranches d'âge identiques et avec des caractères similaires —, un peu comme si c'était le même à chaque fois.
En bref, j'ai passé un agréable moment de lecture en compagnie de ce recueil que je vous recommande de lire durant la période d'Halloween.
Jeanne Sélène - 24 janvier 2016
J'ai eu un peu plus de difficulté à me plonger dans ce recueil, sûrement parce que j'avais légèrement la tête ailleurs dernièrement...
Toujours est-il qu'il me reste quelques impressions : une écriture agréable, des thèmes assez variés, une frontière floue entre rêve et réalité, quelques fins qui sont tombées à plat pour moi, mais quelques très bonnes impressions aussi (pour les nouvelles Sang pour cent et Poker notamment).
Let's be extravagant - 14 décembre 2015
Des intérimaires gravement touchés par des accidents du travail, des livres qui ne contiennent que des pages blanches, un coureur du 100 mètres qui lévite, un homme qui font à l’eau, des accidents d’avion, une guerre des tranchées dans une main… voilà quelques unes des situations étranges auxquelles vous allez être confrontés dans ce recueil.
Je n’ai pas l’intention de revenir sur chacune des nouvelles. Il y en a une quinzaine, certaines très courtes, et donc les raconter, même pour donner envie, ce serait risquer de tout dévoiler. Il y a de très bonnes idées de manière générale. L’auteur maîtrise ses chutes, et crée un univers singulier. On oscille entre rêve et cauchemar. Toutes les situations sont surréalistes ou absurdes, du surréalisme ou de l’absurde qui ne peuvent que résulter d’un rêve, des situations où on ne sait plus où s’arrête la réalité et où commence le cauchemar.
L’ambiance m’a bien plu, mais je n’ai pas apprécié pareillement toutes les nouvelles. Il y a aussi une uniformité de style et de ton (une narration à la première personne, un style constamment ironique, sarcastique et coupant), que j’ai trouvé dommage. J’aime bien quand les auteurs ont une imagination débordante, et quand ils sont capables de traduire ça dans leur écriture, pour y apporter des nuances et de la subtilité, ce qui m’a manqué ici. Pour autant j’admire l’imagination, les rapprochements et le jeu sur ce qui est attendu et la chute de ce recueil. Il y a d’ailleurs un personnage de cartoon que je ne m’attendais pas à voir dans un livre, quel qu’il soit, et qui apparaît dans l’une des nouvelles, et rien que pour ça, j’aime bien !
Médiapart - 13 janvier 2014
Écrire une nouvelle peut sembler facile à ceux qui n’ont jamais tenté l’expérience. La brièveté du récit, parfois réduit à moins d’une dizaine de pages, peut laisser penser au néophyte que l’histoire sera vite expédiée : presque aussi rapidement écrite qu’elle sera lue. On imagine bien un écrivain débutant, paresseux ou peu sûr de lui, qui préfère se faire la plume (ou plutôt le clavier) sur ce genre d’écrit avant de se lancer dans un roman ou, mieux encore, une saga de douze volumes. En réalité l’apparente facilité d’écriture de la nouvelle est trompeuse. Peu d’écrivains sont capables de susciter l’intérêt de leurs lecteurs dès les premières lignes et d’augmenter l’intensité jubilatoire du lecteur jusqu’à la dernière ligne et la très attendue chute.
Quant à la difficulté du recueil de nouvelles, elle est plus forte encore : pour qu’il soit réussi, il faut non seulement que chaque histoire surprenne et ravisse, mais aussi que l’ensemble présente une réelle homogénéité d’écriture – ce qui devrait aller de soi, mais n’est pas toujours le cas – ou de thématique.
Avec son Sang pour cent (titre de la première nouvelle du recueil), Dominique Combaud surmonte allègrement ces risques et réussit là un véritable coup de maître-écrivain.
L’homogénéité entre chacune des nouvelles (visiblement écrites à des époques différentes) tient d’abord à leurs narrateurs. Ils ont tous des points communs et en particulier une même vision décalée de la réalité, la même façon singulière de lier réel et imaginaire. D’ailleurs, l’impression qui domine à la fin du recueil est que ces différents narrateurs ne sont qu’une seule et même personne à différents moments de sa vie. Un personnage plutôt jeune, sympathique, qui vit souvent de petits boulots (intérimaire dans une usine de fabrication de vitres, vendangeur, technicien au palais de Versailles pendant un sommet des chefs d’État...), et à qui il arrive des aventures (rêve ou réalité, vous jugerez) parfois terrifiantes. L’humour, souvent très noir, la verve, une grande légèreté de ton et d’écriture ainsi qu’un imaginaire débridé, sont les ingrédients de base de Dominique Combaud dans ce livre.
Le questionnement sur la réalité s’insinue partout, pas seulement dans les cauchemars du narrateur, mais aussi dans la façon dont l’auteur décrypte une réalité sociale, politique ou simplement liée aux aspects triviaux de la vie quotidienne. Quoi de plus banal qu’un travail d’intérimaire dans une usine, fut-elle de fabrication de vitres ? Mais quand les accidents s’accumulent, parfois dramatiques, notre intérimaire-narrateur commence à se poser des questions, que ses collègues semblent trouver superflues.
« En une semaine dans cette usine, j’avais vu bien plus de sang que dans toute ma vie réunie ! Des doigts coupés, des bras tailladés, et le pire, la veille, un type de mon âge qui s’était fait perforer le ventre en portant seul une baie vitrée qui lui avait explosé dans les mains. Un bout de verre en biseau lui avait transpercé l’abdomen, la mare de sang avait parcouru les deux-trois mètres qui séparaient nos postes de travail, et depuis personne n’en parlait, surement pour conjurer le mauvais sort. Et la vie continuait. Les rires aussi. Au petit matin, je me faisais l’effet d’un intrus au milieu des collègues qui se marraient pour un rien, qui se tapaient dans le dos, qui déballaient leurs sandwiches ».
Et quand, lors de son dernier jour de travail dans l’entreprise, il tombe par hasard sur des statistiques pour le moins surprenantes, tout va alors se détraquer pour lui, et la chute sera brutale !
Angoisse au moment de prendre l’avion à la suite de cauchemars récurrents qui vont peut-être devenir réalité, gitane qui lui prévoit un avenir... mais quel avenir ? intervention technique dans un sommet international qui va changer le comportement des chefs d’État... ce sont quatorze histoires malicieuses, ironiques et noires, toujours très noires, dans lesquelles j’ai été embarqué sans avoir aucun moyen de les quitter prématurément.
L’écriture de Dominique Combaud rappelle parfois celle du Britannique Saki dans son recueil La Fenêtre ouverte pour son côté grinçant et son humour. Mais c’est du côté de Philippe Djian et de son magnifique recueil de nouvelles cinquante contre un qu’il faut chercher l’influence, si influence il y a. C’est le même souci des détails de la vie quotidienne, la même simplicité apparente d’une écriture fluide, sans fioriture, dépouillée et terriblement efficace, une écriture qui, comme l’écrit Philippe Bilger à propos de Djian est « étrangeté, inattendu, provocation et défi à l’ordinaire des mots ».
Il est dommage que les nouvelles soient globalement si peu appréciées par les lecteurs français, qui leur préfèrent de loin le roman, car Dominique Combaud risque de rester ignoré du grand public. Le recueil cinquante contre un de Djian n’a été guère lu avant la sortie de 37° 2 le matin, de bleu comme l’enfer et de zone érogène. Leur succès a attiré les lecteurs de Djian vers son recueil de nouvelles, pourtant plus ancien. Peut-être Dominique Combaud suivra-t-il le même chemin ?
Il ne nous reste plus qu’à attendre son premier roman pour le savoir !